Une nouvelle étude co-rédigée par des océanographes du MOi fait état de niveaux records du contenu thermique des océans en 2023

Un nouvel article de recherche publié dans Nature Reviews Earth & Environment, intitulé « Ocean Heat Content in 2023 » , donne un aperçu de l’augmentation mondiale du contenu thermique des océans (OHC), qui indique la quantité d’énergie absorbée par l’océan à différentes profondeurs et à différents endroits. Les auteurs, parmi lesquels les océanographes de Mercator Ocean Karina von Schuckmann et Audrey Minière, ont révélé que l’OHC a atteint un niveau record en 2023, poursuivant l’augmentation à long terme enregistrée depuis 1960. Le contenu thermique des océans bat des records chaque année depuis 2017. Les tendances mentionnées dans le document de recherche confirment une forte accélération du réchauffement de l’océan à long terme. Les auteurs insistent sur l’importance d’un suivi continu de ce paramètre clé pour garantir une prise de décision éclairée dans les négociations internationales sur le climat. 

Un nouveau record pour le contenu thermique des océans 

Étant donné que la chaleur est dispersée à des taux variables en fonction de la profondeur de l’océan, l’étude détaille différents pourcentages d’accumulation de chaleur dans les différentes couches, avec 40 %, 24 %, 28 % et 8 % de la chaleur distribuée dans les couches 0-300m, 300-700m, 700-2000m et en dessous de -2000m respectivement. En 2023, la chaleur s’est accumulée plus rapidement dans les couches supérieures de l’océan, où les activités humaines semblent avoir un impact plus important ; en revanche, les couches plus profondes sont restées moins affectées par les influences anthropiques, conformément aux résultats précédents. 

Couche océanique Accumulation respective de chaleur enregistrée en 2023 
0-300m 40% 
300-700m 24% 
700-2000m 28% 
-2000m 8% 

Selon les auteurs et le récent rapport d’évaluation du GIEC, la tendance à long terme de l’augmentation de l’OHC est largement attribuée à des causes anthropiques, telles que les émissions de gaz à effet de serre et les aérosols. Cependant, les variations de l’OHC ne se produisent pas seulement à des magnitudes différentes selon les couches de profondeur, mais aussi selon les emplacements géographiques. En effet, les auteurs ont constaté que le gain de chaleur le plus important se situait dans l’océan Atlantique et l’océan Austral, par opposition à l’océan Indien et à l’océan Pacifique, les couches profondes respectives montrant une accumulation de chaleur importante. Les auteurs ont expliqué ce phénomène par des changements dans la circulation océanique en profondeur et par un mélange plus important entre l’océan Atlantique et l’océan Austral. 

Agissant comme un « puits de chaleur », l’océan absorbe environ 90 % de la chaleur supplémentaire stockée dans le système climatique, selon une étude menée en 2023 par Mercator Ocean International; étant donné que 2023 a été témoin de la température de surface globale la plus élevée jamais enregistrée, les auteurs prévoyaient déjà une augmentation correspondante record de l’accumulation du contenu thermique de l’océan. 

Gain de chaleur continu et accéléré 

Une autre conclusion importante de l’étude concerne la poursuite et l’accélération du réchauffement : bien que les chiffres spécifiques varient en fonction des ensembles de données, des périodes et des choix méthodologiques utilisés, les données indiquent généralement une forte accélération du réchauffement de l’océan à long terme. Selon l’étude, un scénario optimiste de faibles émissions prévoit que cette accélération s’arrête vers 2030-2040, alors qu’elle persisterait tout au long du XXIe siècle dans les simulations prévoyant des trajectoires d’émissions plus élevées. L’accélération du réchauffement du système terrestre a été étudiée plus en profondeur dans un article publié en 2023 par Audrey Minière et Karina von Schuckmann, deux scientifiques de Mercator, et également publié dans la revue Nature.   

Aller de l’avant : l’importance de la surveillance du contenu thermique de l’océan 

Le réchauffement de l’océan a déjà modifié le fonctionnement de l’environnement marin, provoquant une élévation du niveau de la mer, des changements dans la circulation océanique, la fonte de la glace de mer et l’intensification des cyclones tropicaux et d’autres événements extrêmes.  

Dans ce document, les scientifiques mettent en garde contre l’aggravation du réchauffement des océans due à la poursuite du réchauffement de la planète et appellent à une surveillance soutenue et étendue de l’accumulation de l’OHC afin de fournir des données permettant de prendre des décisions éclairées dans le cadre des négociations sur les océans et le climat au niveau international. L’ampleur et le rythme du réchauffement sont étroitement liés aux scénarios socio-économiques, ce qui souligne l’importance du contenu thermique des océans (OHC) en tant que mesure cruciale pour les considérations politiques.  

Qu’est-ce que le contenu thermique des océans ? 

Le contenu thermique des océans (OHC) indique la quantité totale de chaleur stockée dans les océans et se mesure en joules, qui sont des unités d’énergie. Le développement de meilleurs systèmes intégrés d’observation de l’océan depuis les années 1960 a permis aux scientifiques de produire des estimations de l’OHC et d’identifier des tendances. L’OHC est calculée à différentes profondeurs grâce à une série d’instruments d’observation, tels que des observations in situ(flotteurs Argo déployés par des navires de recherche dans différentes parties de l’océan) ou des observations par satellite, ainsi que des simulations de modèles et des variations d’autres variables clés. Le Copernicus Marine Service de l’Union européenne estime le contenu thermique de l’océan à trois profondeurs : 0-300, 0-700 et 0-2000 mètres ; chaque couche de profondeur fournit des perspectives et des données différentes sur le stockage global de la chaleur dans l’océan. Les données relatives aux trois indicateurs sont accessibles via le portail sur le climat océanique

A propos des auteurs 

Ce document est le fruit d’une coopération au sein d’une équipe internationale de scientifiques de Chine, d’Europe et des États-Unis : Lijing Cheng (Institut de physique atmosphérique, Académie chinoise des sciences, Pékin, Chine), Karina von Schuckmann (Mercator Ocean International), Audrey Minière (Mercator Ocean International), Maria Z. Hakuba (Jet Propulsion Laboratory, California Institute of Technology, Pasadena, CA, USA), Sarah Purkey (Scripps institution of oceanography, La Jolla, USA), Gavin A. Schmidt (Goddard Institute for Space Studies, National Aeronautics and Space Administration, New York City, NY, USA) et Yuying Pan (Institute of Atmospheric Physics, Chinese Academy of Sciences, Beijing, China). 

Ressources complémentaires