Mercator Ocean développe un nouveau système à haute résolution pour prévoir la dérive des algues Sargassum

Depuis 2011, de grandes quantités d’algues Sargassum se sont échouées sur les plages des Caraïbes, causant d’importants problèmes socio-économiques et environnementaux et affectant négativement les moyens de subsistance des communautés locales. Un article technique récemment publié dans la revue scientifique Geoscientific Model Development (GMD) étudie un nouveau système régional de prévision océanique à haute résolution pour la dérive et l’accumulation des algues Sargassum, appelé CAR36 (Caribbean ARchipelago system at 1/36° of resolution). L’article, co-écrit par une équipe de scientifiques de Mercator Ocean International (MOi) et d’océanographes externes, intervient alors que Oi cherche à améliorer les capacités de modélisation utilisées par le service de prévision météorologique français Météo-France pour prévoir la dérive des sargasses dans la région des Caraïbes.  

Pourquoi les algues Sargassum constituent-elles un problème majeur ? 

Les sargasses sont des macroalgues (algues marines) qui prolifèrent en haute mer, dans les eaux littorales et dans les récifs coralliens. Alors qu’elles se concentraient à l’origine dans la mer des Sargasses (une région de l’océan Atlantique Nord, délimitée par quatre courants formant un gyre océanique), les sargasses connaissent depuis 2011 une croissance exponentielle le long d’une bande s’étendant de la côte ouest-africaine au golfe du Mexique, connue sous le nom de « Great Atlantic Sargassum Belt » (ceinture de sargasses de l’Atlantique). 

Les masses de sargasses sont à l’origine de problèmes socio-économiques, environnementaux et sanitaires majeurs dans le golfe du Mexique, la mer des Caraïbes et l’Atlantique tropical. Les afflux importants de sargasses ont un impact direct sur le trafic maritime, et donc sur les activités de transport et de pêche. Une fois échouées sur le littoral, les sargasses se décomposent et dégagent des gaz malodorants qui perturbent l’utilisation récréative de l’océan et peuvent provoquer des problèmes respiratoires. Les inondations de sargasses nuisent également à certains des écosystèmes côtiers et marins les plus riches.  

Il est donc important de développer des prévisions fiables de la dérive des sargasses afin d’aider les communautés locales à adopter des mesures préventives et à minimiser les impacts négatifs de l’échouage des sargasses. La prolifération de l’algue Sargassum préoccupe les organismes internationaux et nationaux, notamment la Commission océanographique intergouvernementale des Nations unies (COI/UNESCO), sa sous-commission pour les Caraïbes et les régions adjacentes (IOCARIBE) et les conventions maritimes régionales de Carthagène du programme des Nations unies pour l’environnement, dans le cadre du protocole relatif aux zones et à la vie sauvage spécialement protégées pour la région élargie des Caraïbes (SPAW).  

Le MOi contribue à relever ce défi en soutenant le développement de la prévision de la dérive des sargasses, mais aussi en promouvant la coordination des experts mondiaux pour répondre aux besoins de l’IOCARIBE et de SPAW par le biais de l’action Planète bleue du GEO. 

Figure 1 – Images du satellite Copernicus capturées par Sentinel-2 le 13 avril 2023 au sud de la Barbade en utilisant le composite SWIR. La masse de Sargassum mesurait plus d’un kilomètre de large. Crédit : Union européenne, images Copernicus Sentinel-2 

Le nouveau système CAR36 donne des résultats prometteurs 

L’étude récemment publiée CAR36, A Regional High-Resolution Ocean Forecasting System For Improving Drift and Beaching of Sargassum in the Caribbean Archipelago , dirigée par MOi  Experts, présente une analyse comparative des prévisions générées par GLO12 et CAR36 pour l’année 2019.  

GLO12 est un système mondial d’analyse et de prévision des océans exploité par Mercator Ocean pour le Copernicus Marine Service. GLO12 intègre des observations satellitaires et in situ pour produire des données globales complètes sur les océans, y compris la température, la salinité, la hauteur de la surface de la mer, les courants et l’épaisseur, la fraction et la vitesse de la glace de mer. Ce système soutient une variété d’applications telles que les efforts de conservation marine, la pollution des océans, les activités de l’économie bleue et bien plus encore. 

Cependant, GLO12 offre une résolution trop faible pour reproduire avec précision les schémas d’écoulement détaillés qui peuvent affecter la dérive des sargasses et l’échouage. Mercator Ocean a donc développé CAR36, un « raffinement local » de GLO12 conçu pour offrir une résolution spatiale plus élevée (c’est-à-dire environ 3 km dans la zone d’intérêt) et des données sur les marées et les changements atmosphériques à une fréquence plus élevée.  

Les chercheurs ont constaté que CAR36 correspondait mieux aux conditions océaniques observées, notamment en ce qui concerne la prévision du mouvement et de l’évolution des tourbillons océaniques (courants d’eau circulaires). Ces tourbillons sont importants dans le processus global d’observation de l’océan dans la région des Caraïbes, car ils influencent l’endroit où les algues Sargassum dérivent. 

D’autre part, les auteurs soulignent que les résultats présentés dans l’article ne peuvent pas être considérés comme définitifs et devraient être complétés par des évaluations statistiques et des observations supplémentaires dans la région, en particulier l’étude d’un plus grand échantillon de tourbillons sur une période prolongée.  

https://www.youtube.com/watch?v=D1mFcBeUgLg&ab_channel=EU4OceanObs
La vidéo illustre comment l’observation de la Terre et les services dérivés sont essentiels pour surveiller et prévoir les efflorescences de Sargassum et leur propagation dans l’Atlantique tropical. Le centre d’information sur les sargasses de GEO Blue Planet est mis en avant comme une ressource précieuse offrant un accès centralisé aux informations et aux outils de surveillance et de gestion des efflorescences de sargasses.

Efforts de collaboration en matière de surveillance et de prévision de la dérive du sargassum 


Le développement du CAR36 s’inscrit dans le cadre de l’engagement du MOi à fournir à Météo-France, l’un de ses actionnaires, des données sur les courants de subsurface dans la région de l’archipel des Caraïbes afin d’alimenter le système de prévision de la dérive des sargasses de Météo-France. 


Le MOi participe activement à d’autres efforts régionaux et mondiaux de surveillance des sargasses flottantes, contribuant ainsi à l’élaboration de stratégies efficaces d’atténuation et d’adaptation. Il s’agit notamment de 

  • l’initiative FOREcasting seasonal Sargassum Events in the Atlantic (FORESEA), menée par l’Institut français de recherche pour le développement durable (IRD, l’un des actionnaires du MOi), initiée pour fournir des cartes de prévision sur l’océan Atlantique équatorial pour la prévision à moyen terme et à grande échelle de la dérive des sargasses. Ce système de prévision saisonnière sera rendu pleinement opérationnel par le MOi dans le cadre d’un projet SCO (Observatoire Spatial du Climat) initié par l’Agence Spatiale Française (CNES) en collaboration avec Collecte Localisations Satellites (CLS), l’IRD et le MOi. 
  • Le MOi héberge le bureau européen de l’initiative « Planète bleue » du GEO, le bras océanique et côtier du Groupe sur l’observation de la Terre (GEO). GEO Blue Planet héberge un groupe de travail sur les sargasses, identifié comme groupe d’expertise par l’IOCARIBE et le SPAW. Cette initiative s’appuie sur la collaboration avec des partenaires internationaux et régionaux pour combler le fossé entre les données et les besoins de la société afin de fournir des informations exploitables. Le groupe de travail développe actuellement le « Sargassum Information Hub » qui sert de point d’accès unique aux connaissances sur le Sargassum. Les actions de l’UE dans le cadre du GEO Blue Planet sont déployées par EU4OceanObs, un projet financé par l’UE et mis en œuvre par le MOi dans le but de renforcer les partenariats internationaux pour l’observation des océans.  

Ressources complémentaires