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Déversement de pétrole au Pérou : Les données océaniques pour surveiller la catastrophe environnementale

Un volcan sous-marin situé dans le royaume de Tonga, dans le Pacifique Sud, est entré en éruption avec une grande force le 15 janvier 2022, déclenchant un séisme marin qui a touché les côtes péruviennes à quelque 10 000 km de là. Un pétrolier, probablement frappé par de fortes vagues alors qu’il déchargeait sa cargaison, a déversé près de 12 000 barils (près de 1,9 million de litres) de pétrole brut le long de la côte péruvienne. L’incident s’est produit à la raffinerie de La Pampilla, à environ 30 kilomètres au nord de la capitale péruvienne Lima, dans le district de Ventanilla. Le 20 janvier, le président péruvien a déclaré l’état d’urgence environnementale pour les zones touchées, qui abritent certains des écosystèmes les plus riches en biodiversité du pays et des zones protégées. La marée noire a touché de nombreuses plages, a laissé des centaines de pêcheurs sans travail et menace deux réserves marines protégées qui servent de refuge à diverses espèces marines (voir la figure de l’AFP ci-dessous). 

Déversement de pétrole au Pérou. Source : AFP

Mercator Ocean International (MOi) apporte une expertise océanographique opérationnelle pour aider les autorités à réagir

Les catastrophes environnementales et les accidents humains qui entraînent des déversements d’hydrocarbures et la dispersion de la pollution en mer sont malheureusement fréquents. Les autorités et les gouvernements du monde entier s’appuient sur des systèmes opérationnels pour réagir à ces événements et atténuer les effets dévastateurs sur l’environnement. Ces systèmes, qui font partie intégrante des systèmes météorologiques nationaux, soutiennent les initiatives de récupération et aident les autorités à anticiper les défis grâce aux capacités de prévision. Dans le cas de marées noires, les systèmes en aval peuvent combiner nos données sur les courants océaniques en temps quasi réel et prévues avec d’autres variables côtières pertinentes telles que le vent pour créer des modèles de trajectoire et de dispersion de dans le sillage de tels accidents.Mercator Ocean International (MOi) s’engage à soutenir la gouvernance mondiale des océans, le développement du système mondial d’observation des océans et le renforcement des capacités pour les pays qui construisent et améliorent leurs systèmes océanographiques opérationnels respectifs. À cette fin, le MOi travaille en étroite collaboration avec le Système mondial d’observation de l’océan (GOOS), la Commission océanographique intergouvernementale (COI-UNESCO) et l’ Organisation météorologique mondiale (OMM), notamment par l’intermédiaire de l’ équipe d’experts sur les systèmes opérationnels de prévision océanique (ETOOFS). Cette initiative vise à créer un guide officiel et complet ainsi que des ressources pour les pays en développement dans leurs efforts pour établir ou faire évoluer leurs systèmes opérationnels de surveillance et de prévision de l’océan. Le MOi fournit un service de prévision océanique mondiale de premier ordre qui permet aux acteurs spécialisés de réagir aux catastrophes environnementales grâce à des modèles en aval adaptés utilisés pour suivre les dérives et les impacts de la pollution par les hydrocarbures. Par exemple, les produits océaniques mondiaux de Mercator Ocean aident les acteurs opérationnels et les parties prenantes tels que la Fondation CMCC, le Centre euro-méditerranéen sur le changement climatique en Italie et le centre météorologique national français Météo-France à prévoir les trajectoires et la dispersion des déversements d’hydrocarbures. Par le passé, le MOi et le CMCC ont collaboré pour aider à surveiller les catastrophes environnementales en utilisant les produits Copernicus Marine, notamment sur l’ épave du Wakashio en 2020  le long de la côte de l’île Maurice et sur l’ épave du X-Press Pearl en 2021 près des côtes du Sri Lanka.Le MOi exploite un système océanique mondial qui décrit, analyse et prévoit l’état de l’océan dans des conditions opérationnelles à une résolution horizontale de 1/12˚. Ceci est possible grâce à un modèle numérique de l’océan et de la glace de mer qui utilise des observations in situ et par satellite grâce à une technique d’assimilation de données. Ces techniques permettent de s’assurer que les prévisions océaniques représentent fidèlement le comportement des océans et que les incertitudes restent minimes. Ce produit de courant océanique est ensuite intégré par le MOi dans le modèle Copernicus Marine Service Global ocean Physics analysis and forecast (001_024). Le Copernicus Marine Service, mis en œuvre par le MOi, rassemble des données marines provenant de diverses sources (capteurs in situ, observations par satellite et modèles numériques d’océan et de glace de mer) et désamorce les données et l’expertise gratuites en un seul service à guichet unique. L’ensemble de Copernicus Marine est ouvert aux utilisateurs du monde entier, ce qui permet à tous les services météorologiques et centres océanographiques opérationnels internationaux d’utiliser ces informations dans leurs propres modèles locaux de dérive des polluants afin de prévoir les trajectoires potentielles des marées noires dans leurs zones marines de responsabilité respectives.

Situation océanographique

Les côtes péruviennes sont riches en biodiversité et très productives en termes de pêche. Ses côtes sont sous l’influence du courant de Humboldt, également appelé courant du Pérou. Il s’agit d’un courant océanique froid et de faible salinité qui s’écoule vers le nord-ouest, en direction de l’équateur, le long des côtes. Dans cette région, les eaux froides remontées apportent des nutriments à la surface et se croisent avec les eaux chaudes tropicales, ce qui favorise le phytoplancton, la productivité biologique et d’importantes ressources halieutiques. Le courant du Pérou est localement plus fort que 50 centimètres par seconde (valeurs quotidiennes) selon le système de prévision globale Copernicus Marine.Copernicus Marine Service Global Ocean 1/12° Physics Analysis and Forecast updated Daily (GLOBAL_ANALYSIS_FORECAST_PHY_001_024), vitesse horaire de l’eau de mer en surface en mètres par seconde, un vecteur tous les 55 kilomètres est affiché pour plus de visibilité. Une marée noire a eu lieu à environ 30 kilomètres au nord de Lima le 15 janvier 2022 (localisation approximative), le gris représente la terre.En cet hiver 2021/2022, cette partie de l’océan Pacifique tropical est en phase La Nina, ce qui amène encore plus d’eaux riches en nutriments à la surface grâce à la remontée d’eau (upwelling). Cette catastrophe environnementale survient donc à un moment où la vie marine dans la région est florissante et où la pêche est plus abondante. Les eaux riches en nutriments donnent lieu à une abondance de chlorophylle. L’animation ci-dessous montre la concentration de chlorophylle, le vert foncé le long des côtes représentant les zones de forte densité. Ces conditions favorisent l’abondante biodiversité marine qui fait la réputation de cette région.Vue de la concentration de chlorophylle par satellite au large des côtes du Pérou, lieu de la marée noire. Source : Mercator Ocean MyOcean viewer for Copernicus, concentration massique de chlorophylle-a dans l’eau de mermg/m3. Lien ici.