Une nouvelle étude de Mercator Ocean révèle l’activité de nage des jeunes tortues caouannes du Pacifique

Une nouvelle étude révèle comment les jeunes tortues caouannes naviguent dans le Pacifique au début de leur vie. En combinant le suivi par satellite et les données océaniques, l’étude illustre la manière dont l’océanographie opérationnelle contribue à une meilleure compréhension des espèces marines. 

Figure 1. Tortues caouannes juvéniles marquées par satellite dont les trajectoires ont été utilisées dans la présente étude. La longueur de la carapace est d’environ 35 cm. Image fournie par George Balazs.  

Réécrire l’histoire des « années perdues » des tortues 

Une nouvelle étude internationale menée par Philippe Gaspar et Julien Temple-Boyer de Mercator Ocean International, ainsi que par des biologistes marins américains et japonais, apporte un éclairage nouveau sur les voyages au long cours des tortues caouannes(Caretta caretta) dans le Pacifique Nord.  

Publié dans Movement Ecology la recherche se concentre sur les premiers stades de la vie de ces tortues, souvent appelés « années perdues ». Cette période commence lorsque les jeunes quittent les plages de nidification et entrent dans l’océan, et se termine lorsqu’ils retournent à leur lieu de naissance en tant que jeunes adultes pour se reproduire. Cette période de la vie de la tortue n’a pratiquement pas été observée en raison des contraintes technologiques liées au suivi de petites tortues de mer à croissance rapide sur de vastes distances océaniques. Or, c’est au cours de cette période que les tortues subissent une forte mortalité en mer, car leur petite taille et leur capacité de nage limitée les rendent vulnérables aux prédateurs. Il est essentiel de comprendre comment et où ils se déplacent pour anticiper leur survie et soutenir les mesures de conservation adaptées à ce stade de la vie. 

Traditionnellement, on supposait que les tortues marines juvéniles se dispersaient dans les bassins océaniques en suivant les courants de surface, presque sans nager. Cependant, cette étude remet en question cette vision des choses. En combinant le plus grand ensemble de données de suivi par satellite de caouanes juvéniles avec des informations océanographiques complémentaires, les chercheurs ont mis en évidence un comportement de nage plus complexe et plus actif. Les données de suivi exceptionnelles ont été recueillies entre 1997 et 2013 par le Programme de recherche sur les tortues marines du Centre scientifique des pêches des îles du Pacifique de la NOAA, en collaboration avec l’aquarium public du port de Nagoya. Ce programme, qui a duré près de deux décennies, a été dirigé par George Balazs, également co-auteur de cet article. 

L’étude a révélé que les petites caouanes effectuent de grandes migrations saisonnières, nageant vers le nord au printemps et en été et vers le sud en automne et en hiver. Ce faisant, les courants dominants vers l’est les poussent à travers le Pacifique Nord, du Japon – leur zone de naissance – vers la côte californienne. Cependant, un changement se produit au fur et à mesure que les tortues grandissent : les individus les plus grands commencent à nager vers l’ouest, contre les courants dominants, et regagnent progressivement le Japon. Cette phase de retour est probablement déclenchée par le besoin de se reproduire, les individus atteignant progressivement la maturité sexuelle, tandis que l’énergie nécessaire à ce voyage exténuant contre les courants est fournie par les abondantes ressources alimentaires trouvées dans les eaux riches du Pacifique occidental.  

Figure 2. Trajectoires des 232 tortues caouannes juvéniles dont les mouvements ont été analysés dans le cadre de l’étude. Les petits triangles indiquent les lieux où les individus ont été relâchés (d’après Gaspar et al., 2025 in Movement Ecology).

Cette étude réécrit le récit des « années perdues », révélant que les jeunes tortues caouannes sont loin d’être des dériveurs passifs à la merci des courants, mais des voyageurs actifs de l’océan qui entreprennent des migrations intentionnelles à grande échelle à travers le Pacifique.

Le suivi rencontre la modélisation des océans : une nouvelle approche

Pour évaluer avec précision dans quelle mesure la trajectoire des tortues de mer est déterminée par leur nage active, les chercheurs ont comparé les mouvements des jeunes caouannes suivies par satellite avec les trajectoires des dériveurs de surface, qui sont des instruments flottants transportés par la circulation de l’océan en surface. En combinant ces informations avec les données sur les courants océaniques fournies par le modèle de réanalyse globale GLORYS12, développé par Mercator Ocean International et distribué par le Copernicus Marine Service, l’équipe a réussi à séparer le mouvement de nage des tortues du mouvement induit par les courants océaniques.

Il s’agit là d’un défi de longue date en écologie marine, car les données de suivi montrent la trajectoire globale d’un animal, mais ne révèlent pas directement quelle part de ce mouvement est due à la nage ou à la poussée des courants. En utilisant conjointement les données des bouées dérivantes et les courants modélisés, l’étude a permis de réduire considérablement les erreurs d’estimation de la vitesse de nage des tortues marines et d’obtenir une image plus claire de leur comportement. Cette nouvelle approche introduit une méthodologie applicable à d’autres espèces marines et oriente les futures campagnes de surveillance.

Mercator Ocean International : Soutenir la biodiversité marine grâce aux données océaniques

L’étude illustre la manière dont l’océanographie opérationnelle contribue à la compréhension scientifique de la biodiversité marine. Mercator Ocean International, en tant qu’entité chargée de l’exploitation du Copernicus Marine Service, joue un rôle clé dans la production, la validation et la distribution de données océaniques à haute résolution, y compris les courants de surface. Ces produits océanographiques fournissent le contexte environnemental nécessaire à l’étude des mouvements des animaux et à la mise en évidence des schémas comportementaux en mer.

Les capacités de modélisation et les services scientifiques de Mercator Ocean International soutiennent un large éventail d’ applications visant à préserver la biodiversité marine, depuis le suivi des espèces migratrices jusqu’à l’information sur les politiques de conservation et la gestion environnementale à long terme.

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