Un nouveau rapport souligne la nécessité de disposer de données climatiques actualisées pour améliorer la prise de décision

Une équipe internationale de plus de 50 scientifiques de renom, dont Karina von Schuckmann de Mercator Ocean, océanographe spécialisée dans le climat océanique, a présenté la deuxième édition du rapport Indicateurs du changement climatique mondial. Publié dans la revue Earth System Science Data, le rapport comprend des estimations actualisées des principaux indicateurs du changement climatique. Parmi les principales conclusions, les auteurs révèlent que le réchauffement induit par l’homme progresse de 0,26 °C par décennie, soit le taux le plus élevé jamais enregistré. 

Le rapport sur les indicateurs du changement climatique mondial fait partie de l’initiative plus large des indicateurs du changement climatique mondial (IGCC). L’initiative vise à combler le déficit d’information entre les rapports successifs du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), qui sont généralement publiés tous les 5 à 10 ans, en fournissant au public des données mises à jour chaque année selon les mêmes méthodes que celles utilisées par le GIEC.  

Principales conclusions du dernier rapport annuel 

Le rapport présente une série de conclusions basées sur plusieurs indicateurs du changement climatique mondial, tels que les émissions de gaz à effet de serre et les forçages climatiques à courte durée de vie, les concentrations de gaz à effet de serre, le déséquilibre énergétique de la Terre, les changements de température de surface, le réchauffement attribué aux activités humaines, le budget carbone restant et les estimations des températures extrêmes mondiales. 

Le réchauffement induit par l’homme s’accentue à un rythme sans précédent

Le deuxième rapport annuel révèle que l’augmentation de la température due aux activités humaines au cours de la dernière décennie (2014-2023) s’est élevée à 1,19 °C. Cela représente une augmentation par rapport aux 1,14 °C enregistrés au cours de la décennie 2013-2022, comme le montre la première édition du rapport.  

Même si l’action climatique a ralenti l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre, cette étude montre que le niveau de réchauffement planétaire causé par l’action humaine a continué d’augmenter. Plus précisément, le réchauffement anthropique a progressé au rythme sans précédent de 0,26 °C par décennie sur la période 2014-2023, soit le taux le plus élevé depuis le début des relevés. Ce taux élevé de réchauffement est dû à la combinaison d’émissions de gaz à effet de serre constamment élevées, équivalant à 53 milliards de tonnes de CO2 par an, et d’améliorations constantes de la qualité de l’air, qui réduisent l’intensité du refroidissement d’origine humaine dû aux particules présentes dans l’atmosphère. 

Si l’on considère la moyenne annuelle, le rapport révèle qu’en 2023, l’augmentation anthropique de la température de la Terre a été estimée à +1,3 °C par rapport aux années 1850-1900, tandis que le réchauffement total, qui prend également en compte les facteurs naturels, s’est élevé à 1,43 °C. Les facteurs naturels sont les interactions entre l’atmosphère, les océans, les terres et la cryosphère. Le rapport révèle que ces facteurs ont joué un rôle important dans les températures record de 2023, en particulier le phénomène connu sous le nom d’El Niño. 

Le déséquilibre énergétique de la Terre ne cesse de s’aggraver 

Les niveaux élevés de gaz à effet de serre affectent également le bilan énergétique de la Terre : les bouées océaniques et les satellites enregistrent des flux de chaleur sans précédent dans les océans, les calottes glaciaires, les sols et l’atmosphère de la Terre. Ce flux de chaleur est supérieur de 50 % à sa moyenne à long terme. Plus précisément, entre 2011 et 2023, l’augmentation de la chaleur terrestre a presque doublé par rapport à la période allant de 1976 à 2023. L’experte de Mercator Ocean sur ce sujet, le Dr. Karina von Schuckman, a contribué au rapport en dirigeant la section sur le déséquilibre énergétique terrestre (EEI). L’IEE est la différence entre la quantité d’énergie entrant dans le système climatique terrestre par le biais du rayonnement solaire et l’énergie renvoyée dans l’espace.

Quel budget carbone reste-t-il avant d’atteindre la limite de 1,5°C ? 

En ce qui concerne le budget carbone, l’analyse montre que la société ne peut rejeter qu’environ 200 milliards de tonnes supplémentaires de dioxyde de carbone avant que le réchauffement climatique n’atteigne 1,5°C, la limite fixée dans les accords de Paris sur le climat de 2015, atteignant ainsi un point critique. Au rythme actuel, il faudrait environ quatre ans pour atteindre cette quantité d’émissions.  En 2020, le GIEC a estimé qu’il restait entre 300 et 900 milliards de tonnes de dioxyde de carbone pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C, avec une estimation moyenne de 500 milliards de tonnes. Depuis lors, le monde a continué à émettre du dioxyde de carbone et, parallèlement, la Terre a continué à se réchauffer. Début 2024, le rapport indique que le budget carbone restant est estimé entre 100 et 450 milliards de tonnes. 

Pourquoi avons-nous besoin d’indicateurs climatiques actualisés ? 

La prochaine évaluation majeure du GIEC ne devrait pas être publiée avant 2027, ce qui entraînera un manque d’informations important au cours des deux prochaines années. Avec la publication d’informations actualisées sur tous les principaux indicateurs climatiques, le rapport peut représenter un instrument crucial entre les mains des décideurs politiques et des responsables de la politique climatique pour une prise de décision éclairée, en particulier pour les parties impliquées dans les négociations de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). 

L’équipe d’auteurs espère également que le nouveau rapport servira de base de connaissances pour les nouvelles contributions déterminées au niveau national, les plans climatiques améliorés que chaque pays s’est engagé à soumettre à la CCNUCC d’ici 2025. 

Quelle est la prochaine étape ? 

Alors que la communauté mondiale aborde la décennie critique des années 2020, le suivi et la mise à jour continus des indicateurs climatiques seront essentiels. Le rapport est publié alors que les experts du climat se réunissent à Bonn pour préparer la Conférence des parties à la CCNUCC de 2024 (COP29), qui se tiendra en novembre prochain à Bakou, en Azerbaïdjan.  

Mercator Ocean travaille à la création d’une représentation numérique de l’océan, en fournissant des données du passé, en temps quasi réel, et des prévisions qui sont fiables, opportunes, ainsi que des indicateurs complets pour soutenir les pays du monde entier.  

Ressources complémentaires 

  1. Une nouvelle étude révèle l’impact du changement climatique sur les populations de poissons et appelle à une pêche durable – Mercator Ocean (mercator-ocean.eu) 
  2. Un nouvel article co-écrit par des océanographes du MOi fait état de niveaux records du contenu thermique des océans en 2023 – Mercator Ocean (mercator-ocean.eu) 
  3. Le réchauffement de la planète s’accélère depuis 60 ans 
  4. Une nouvelle évaluation complète du réchauffement des océans met en évidence les risques climatiques futurs, avec la participation de l’expertise de Mercator Ocean