Impact du changement climatique sur les populations de poissons  : une nouvelle étude

Le changement climatique mine silencieusement la capacité de l’Océan à soutenir les populations de poissons ; c’est ce que révèle la nouvelle étude dirigée par le Dr Angus Atkinson (Plymouth Marine Laboratory). Co-rédigée par l’océanographe Maria Grigoratou de Mercator Ocean International ainsi que 9 auteurs de 6 pays différents, la recherche met en évidence un mécanisme d’amplification caché jusqu’alors : des changements dans la population d’une espèce de poisson provoquent des changements encore plus importants dans les populations d’autres espèces situées plus haut dans la chaîne alimentaire. L’étude démontre ainsi qu’une réduction relativement faible des populations de phytoplancton peut entraîner une diminution importante des stocks de poissons. 

Une légère baisse des niveaux de phytoplancton peut entraîner une chute importante des populations de poissons : cet effet domino était jusqu’alors inconnu dans le réseau alimentaire marin.  

L’étude, publiée dans Nature Communications, apporte un nouveau regard sur la dynamique du phytoplancton, cette minuscule plante à la base de la chaîne alimentaire marine et des populations de poissons. En s’appuyant sur des modèles de données à l’échelle mondiale et des observations sur le terrain dans 41 écosystèmes différents, les chercheurs ont révélé une tendance inquiétante. En effet, lorsque le réchauffement climatique réduit les niveaux de phytoplancton de 16 % – comme le prévoient les modèles mondiaux dans des régions telles que l’Atlantique Nord – la capacité de charge des poissons chute de 38 %. 

Les modèles au niveau mondial prévoient depuis longtemps une diminution des niveaux de phytoplancton, en particulier dans des régions comme l’Atlantique Nord où l’abondance du plancton s’est déjà altérée au cours des cinq dernières décennies. Or, l’incertitude règne encore sur la manière dont les poissons, en particulier les stocks de poissons exploités commercialement, pourraient être affectés par les changements dans le plancton. Cette étude comble cette lacune en offrant une perspective basée sur des données empiriques. 

« Notre étude souligne l’importance d’utiliser des observations provenant directement de l’Océan« , explique le Dr Maria Grigoratou, océanographe à Mercator Ocean International. « Pour prendre les bonnes décisions concernant l’avenir et la durabilité de notre planète, nous avons besoin de données fiables et à long terme recueillies dans l’Océan. Ces informations nous aident à suivre l’évolution de l’Océan et à développer de meilleures prévisions sur ce qui pourrait se passer ensuite »

Une approche qui dépasse les frontières et rassemble la communauté scientifique 

Grâce au soutien du groupe de lecture international SPECTRE, l’équipe de recherche a collaboré et adopté une approche innovante afin d’analyser la distribution de la taille du plancton et évaluer l’efficacité du réseau alimentaire. 

« Ce projet de recherche est né d’une collaboration entre des scientifiques du Royaume-Uni et d’Allemagne. Le groupe SPECTRE, qui aide les chercheurs à se rencontrer et à travailler ensemble, a réuni des experts d’Australie, du Canada, de France et de Grèce pour contribuer à l’étude. Ce travail d’équipe international souligne l’importance de la coopération internationale pour faire avancer les connaissances scientifiques« , confirme Maria Grigoratou, qui organise le groupe depuis février 2021. 

Les chercheurs ont découvert les facteurs qui déterminent le flux d’énergie au sein du réseau alimentaire à travers la compilation d’une base de données mondiale complète sur la distribution de la taille du plancton marin et d’eau douce. A leur grande surprise, ils ont découvert que la température, souvent impliquée dans les perturbations du réseau alimentaire, ne jouait qu’un rôle secondaire – le principal facteur étant en réalité l’abondance globale de phytoplancton, qui régit l’efficacité de la transmission d’énergie du petit plancton aux poissons plus gros. 

« Notre étude remet en question notre compréhension de la relation entre la température et l’efficacité du réseau alimentaire marin et souligne l’importance du phytoplancton dans le maintien de la santé de l’Océan. Les températures élevées et la diminution des nutriments due au réchauffement entraînent une réduction de la taille du plancton, ce qui perturbe le transfert d’énergie et rend plus difficile la recherche de nourriture pour les poissons« , explique le Dr Angus Atkinson, scientifique au laboratoire marin de Plymouth. 

L’étude souligne l’urgence d’intégrer les considérations relatives au changement climatique dans les stratégies de gestion de la pêche. Elle préconise une approche à multiples facettes, combinant des données sur la structure de la taille du plancton et des modèles informatiques sophistiqués, afin d’élaborer des plans de gestion de la pêche résilients et intelligents face au climat. 

Pour accéder à l’étude, cliquez ici.  

Pour plus d’information 

  • Activités intersessions de l’initiative du G7 sur l’avenir des mers et de l’Océan concernant un réseau d’observation du plancton marin (en anglais) 
  • NECCTON, projet permettant au Copernicus Marine Service de fournir des produits concernant la conservation de la biodiversité marine et la gestion des ressources alimentaires, y compris une capacité de modélisation des niveaux trophiques supérieurs. 
  • BioEcoOcean, projet de l’Union européenne et outil innovant pour accroître l’utilité des observations océaniques. 

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